Oliver McTernan, de la pretrise a la mediation internationale
À l'occasion des JO, « La Croix » a rencontré dix personnalités britanniques. Cet ancien prêtre catholique est aujourd'hui investi dans le dialogue israélo-palestinienBy Sébastien MAILLARD, La Croix ,6 August 2012Bien que né en Irlande, Oliver McTernan a grandi à Londres et se dit volontiers britannique. « J'ai les deux passeports. Je présente l'irlandais dans les pays où sa neutralité est utile » , précise en souriant ce médiateur de conflits internationaux. Il est en train de mettre sur pied une rencontre, à Belfast, de responsables israéliens du parti religieux Shass et du Likoud (droite) avec des protestants unionistes d'Ulster faisant part de leur expérience du processus de paix en Irlande du Nord. Oliver McTernan dialogue parallèlement avec des représentants du Hamas. « Si vous excluez d'un dialogue ceux qui sont essentiels à son dénouement, cela ne sert à rien », justifie celui qui fut étroitement impliqué, dans la plus grande discrétion, à la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.À 65 ans, chevelure blanche, regard perçant, sourire franc, Oliver McTernan parle en homme d'expérience. Et de foi. « Une foi qui m'a toujours habité et que je sens plus grande que jamais » , dit sereinement ce catholique pratiquant, qui fut prêtre à Londres pendant trente ans. Il devint même l'un des ecclésiastiques les plus connus de sa génération. Sa voix chaleureuse devint familière aux auditeurs de la BBC, où il livrait sa « pensée du jour » (Thought for the day ). Les lecteurs du quotidien The Guardian connaissent aussi ses tribunes.C'est parce qu'il tient à cette liberté de parole plus qu'à la stricte obéissance au Vatican qu'il prit la lourde décision, au début des années 2000, de quitter la prêtrise. Une vocation pourtant précoce et « naturelle » pour ce benjamin de cinq enfants, qui perdit sa mère à l'âge de 2 ans et demi et fut élevé par ses quatre sœurs et son père, décédé quand il avait 16 ans. Des blessures avec lesquelles cet homme pudique a appris à vivre : « Je me souviens d'une chambre à Lisbonne, où j'ai séjourné dans ma jeunesse, qui était fissurée depuis le tremblement de terre de 1755. Réparer l'énorme brèche eût obligé à tout démolir. Alors il fallait apprendre à vivre avec. »Apprendre aussi à vivre en catholique sur une île anglicane, depuis son arrivée à Londres à l'âge de 8 ans. « Lorsque vous êtes catholique au Royaume-Uni, vous êtes toujours soupçonné par l'establishment d'être non conformiste » , résume-t-il, sourire en coin. Non conformiste, il le fut au sein de l'Église. En prêtre qui juge « inutile de porter le col romain quand toute la communauté déjà vous connaît » et n'arbore ce signe distinctif que pour des « occasions officielles ». En prêtre aussi qui, nommé après son ordination en 1972 dans la paroisse populaire du district londonien d'Islington, s'attaque, avec quelques fidèles, aux problèmes du logement. L'engagement social sera dès lors la marque de son ministère, qu'il poursuivra à partir de 1981 comme curé de Notting Hill, grande paroisse du centre de la capitale britannique.Surtout, cet engagement en entraîne un autre. Lié à Pax Christi, il est invité à rendre compte de ses actions sociales lors d'une conférence à Berlin-Est en 1975, durant la détente Est-Ouest. C'est le début de nombreux déplacements en URSS et dans le bloc communiste pour nouer un dialogue œcuménique avec le patriarche orthodoxe russe, célébrer des messes clandestines, rencontrer des dissidents et rendre compte au Vatican. Mais les rapports avec le Saint-Siège se tendent dans les années 1990. Oliver McTernan dénonce « des occasions ratées sous Jean-Paul II de rapprochement », « un cléricalisme rampant », « une institution davantage préoccupée de sa sauvegarde que d'agir » . Il part en année sabbatique à Harvard étudier les relations internationales. Il reviendra à Londres non pas une mais trois années plus tard. Et reviendra marié avec une compatriote britannique, après avoir quitté son ministère.Oliver McTernan fait du dialogue dans les conflits internationaux son nouveau métier, et la dimension religieuse, « très mal comprise » , de ces conflits sa spécialité. Son livre Violence in God's Name (« la violence au nom de Dieu ») lui permet d'être repéré par les diplomates britanniques et étrangers, qui font appel à lui sur des terrains aussi tendus que le Kosovo. Aujourd'hui à la tête de sa propre ONG, Forward Thinking, il s'investit, avec son équipe de cinq personnes, au Proche-Orient et en Afrique du Nord. « L'avantage d'être un ancien prêtre dans ces conflits est que vos interlocuteurs savent le respect que vous portez à la religion et, en même temps, ont confiance que vous n'agissez pas pour le compte de Rome » , estime Oliver McTernan, que son ancien ministère a aussi formé à l'écoute et au respect du secret. « Mon épouse Martha me surnomme “la tombe” », plaisante-t-il.Quand il n'est pas en route pour Gaza ou en contact avec des Frères musulmans, comme le mois dernier lors d'un sommet régional du Forum économique mondial à Istanbul, Oliver McTernan savoure son temps libre avec sa femme dans leur maison normande près de Caen. À regarder un match de rugby ou à cuisiner : « Nous sommes heureux d'apporter la preuve à nos voisins français qu'on peut être britannique et savoir quand même confectionner de bons plats. » Quant à la blessure d'avoir rompu avec la prêtrise, comme la brèche de sa chambre à Lisbonne, il vit avec